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Le mariage et les enfants
(À X. pour son mariage.)
Que vous unissiez vos existences physiques, vos intérêts
matériels, que vous vous associez pour faire face ensemble aux difficultés et
aux succès, aux défaites et aux victoires de la vie, c'est la base même du
mariage, mais vous savez déjà que cela ne suffit pas.
Que vous soyez unis dans les sensations, que vous ayez les mêmes
goûts et les mêmes jouissances esthétiques, que vous vibriez en commun aux mêmes
choses, et l'un par l'autre, et l'un pour l'autre, c'est bien, c'est nécessaire,
mais ce n'est pas assez.
Que vous soyez un dans les sentiments profonds, que votre
affection, votre tendresse réciproques ne varient pas en dépit de tous les
heurts de l'existence, qu'elles résistent aux fatigues, aux énervements, aux
déceptions ; que vous soyez toujours et dans tous les cas heureux, les plus
heureux, d'être ensemble ; que vous trouviez, en toute circonstance, l'un auprès
de l'autre, le repos, la paix et la joie, c'est bien, c'est très bien, c'est
indispensable, mais ce n'est pas assez.
Que vous unissiez vos mentalités, que vos pensées s'accordent et
se complètent, que vos préoccupations et vos découvertes intellectuelles soient
partagées ; en résumé, que votre sphère d'activité mentale se fasse identique
par un élargissement et un enrichissement acquis par les deux à la fois, c'est
bien, c'est tout à fait nécessaire, mais ce n'est pas assez.
Par-delà tout cela, au fond, au centre, au sommet de l'être, il
est une Vérité Suprême de l'être. Lumière Éternelle, indépendante de toute
circonstance de naissance, de pays, de milieu, d'éducation, origine, cause et
maître de notre développement spirituel, c'est Cela qui donne à notre existence
son orientation définitive ; c'est Cela qui décide de notre destinée ; c'est
dans la conscience de Cela qu'il faut s'unir.
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Être un dans l'aspiration
et l'ascension, avancer du même pas sur le même chemin spirituel, tel est le
secret de l'union durable.
Mars 1933
Ce n'était pas du tout une sélection. J'ai simplement dit que
cette jeune fille semblait la meilleure des trois, c'est tout. Quoi qu'il en
soit le mariage n'est pas un chemin direct pour se préparer à la sâdhanâ. Il
peut être un chemin indirect, si la nature extérieure a besoin d'ennuis et de
déceptions pour se débarrasser de tous les attachements mondains, mais dans ce
cas l'expérience se termine d'ordinaire par une séparation qui est souvent
pénible, au moins pour l'un des deux partenaires. C'est tout ce que je peux dire
à ce sujet.
13octobre 1940
À propos des craintes de certains philosophes contemporains
concernant le régime actuel de la famille, qui risque de se disloquer et de
disparaître, tu as dit que cette dislocation "était et est encore un mouvement
indispensable pour conduire l'humanité vers une réalisation plus haute et plus
large".
Cela soulève des questions importantes que je mentionne
ci-dessous, pour que tu donnes quelques éclaircissements :
1. Considères-Tu que cette dissolution du système de la
famille est indispensable pour le petit nombre d'individus exceptionnels qui
poursuivent un haut idéal mental ou spirituel, ou est-ce nécessaire également
pour l'humanité en général?
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Oui, seulement pour le petit nombre d'individus exceptionnels
qui poursuivent un haut idéal mental ou spirituel.
2. Si Tu es en faveur d'une dissolution complète du système
de la famille pour l'humanité entière, serait-il souhaitable que cela se
produise avant que la naissance par matérialisation directe soit devenue une
chose normale sur la terre ?
Il faudrait qu'il y ait plus de liberté et de plasticité dans le
système. Les règles fixes sont nuisibles pour l'évolution.
3. Considères-Tu que l'abolition du mariage est indispensable
aussi, comme l'abolition de la famille, pour que l'humanité atteigne un
développement supérieur? Tant que le nouveau mode de naissance n'est pas devenu
normal, la procréation ne doit-elle pas continuer sous la forme actuelle ? Dans
ce cas, des relations plus ou moins conjugales ne seraient-elles pas
nécessaires?
Le mariage demeurera, mais les cérémonies légales ne doivent pas
être imposées, pour éviter l'illégalité.
4. Tant que le nouveau mode de naissance n 'est pas devenu
normal et que les enfants continuent à naître de la manière habituelle, le
milieu familial n 'est-il pas ce qui convient le mieux aux enfants, surtout dans
les premières années de la formation ? Une autre solution serait de les confier
à un organisme, comme les pouponnières d'État proposées par quelques penseurs
communistes. Mais ce point de vue n 'a pas trouvé beaucoup de partisans, parce
qu 'on a constaté que la tendresse et l'affection dont les enfants ont besoin
peuvent être données le mieux par les parents, dans l'atmosphère intime du foyer
familial.
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Si cela est vrai, la famille ne serait-elle pas
nécessaire, au moins pour les enfants, jusqu'à ce que le nouveau mode de
naissance devienne possible et normal dans l'avenir?
Là aussi, les deux choses doivent être admises et pratiquées
également. Il y a bien des cas où ce serait une bénédiction pour l'enfant d'être
séparé de ses parents.
Un minimum de règles.
Un maximum de liberté.
Toutes les possibilités doivent avoir autant d'espace libre pour
se manifester, alors le progrès de l'humanité sera plus rapide.
21 juillet 1960
Vous dites que vous n'avez pas pu élever vos enfants
correctement parce que, même si vous êtes bien éduqué et cultivé, vous n'avez
pas de temps à leur consacrer, et parce que votre femme a le temps mais n'a ni
instruction ni culture et n'est bonne à rien. Voulez-vous me dire qui est
responsable de son état? Pendant plus de vingt-cinq ans elle a vécu avec vous.
Qu'avez-vous fait pendant vingt cinq ans pour l'instruire ou lui communiquer
votre "culture" ? Absolument rien. L'idée ne vous en est même pas venue. Vous
n'avez jamais pensé que si vous n'aviez consacré ne serait-ce qu'une heure par
jour à son éducation, la différence, en vingt-cinq ans, aurait été considérable.
Pour vous, elle n'était qu'une machine faite pour veiller à votre confort et
produire vos enfants. Vous ne pouviez pas lui faire confiance, vous ne pouviez
rien faire pour son progrès, mais vous êtes là, avec toute votre vanité, à la
blâmer, parce qu'elle n'a ni instruction ni culture.
Je vous tiens responsable de toutes ses incapacités.†
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Vous voulez que vos enfants obéissent à vos ordres. Que
savez-vous de la Vérité ? Vous voulez imposer votre volonté parce que vous êtes
plus fort qu'eux. De la même façon, un géant pourrait s'emparer de vous et vous
devriez faire tout ce qu'il dit.
Il est extrêmement difficile d'élever des enfants. Je n'ai pas
rencontré beaucoup de parents capables de faire ce qu'il fallait.
Quel droit avez-vous d'imposer votre volonté à vos enfants, vous
qui les avez mis au monde sans jamais penser sérieusement à leurs problèmes, ni
faire les préparatifs nécessaires ?†
Ne frappez pas vos enfants.
Cela obscurcit votre conscience et détériore leur
caractère.
16 novembre 1968
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